Usage détourné de bonbonnes de protoxyde d’azote : un nouveau conditionnement inquiétant - 20/09/21
Riassunto |
Objectifs |
Le protoxyde d’azote (N2O), gaz médical d’usage réglementé à visée anesthésique et/ou analgésique, est également utilisé comme générateur d’aérosols pour un usage culinaire. Il est alors pur et disponible en vente libre. Comme décrit dans les rapports de l’ANSES et de l’ANSM, son usage détourné à visée récréative est en nette progression, malgré le risque d’intoxication aiguë, de complications en cas d’usage prolongé et un potentiel d’abus/dépendance désormais documenté. Cet usage concerne un public jeune avec des consommations parfois répétées voire massives de cartouches ou bonbonnes culinaires, à la recherche d’euphorie et de désinhibition [1 , 2 ]. Nous rapportons ici deux cas de sclérose combinée de la moelle chez des patients consommateurs chroniques de bonbonnes de N2O à visée récréative.
Méthode |
Les 2 patients – un homme de 26 ans et une femme de 19 ans – ont été admis aux urgences devant l’apparition de paresthésies ascendantes des membres inférieurs, avec hypoesthésie et troubles de la marche ; l’ataxie était marquée, avec élargissement du polygone de sustentation et marche talonnante sur quelques mètres. Une atteinte des membres supérieurs était également notée, avec paresthésies gagnant les avant-bras chez le patient et anesthésie distale chez la patiente. Dans les 2 cas, les réflexes ostéotendineux étaient faibles ou non perçus. Une dysurie franche était en outre présente chez le patient. Pour chacun, la notion d’une consommation quotidienne et importante de N2O depuis plusieurs semaines était présente. Après avis neurologique, divers examens paracliniques étaient pratiqués à visée de diagnostic différentiel, notamment dosage sanguin de la vitamine B12, de l’homocystéine, IRM médullaire ainsi qu’un bilan auto-immun pour éliminer une maladie de Biermer. Un suivi de l’hémogramme à la recherche d’anomalies hématologiques était enfin réalisé et un avis addictologique sollicité.
Résultats |
Dans les 2 cas, la vitamine B12 sanguine était abaissée : respectivement 125ng/L (limite inférieure à 189) et 161ng/L (limite inférieure à 197) tandis que l’homocystéinémie – dosée chez l’homme uniquement – était anormalement élevée (122μmol/L pour une normale inférieure à 15). Le bilan auto-immun était négatif. L’IRM validait le diagnostic de sclérose combinée de la moelle avec une myélopathie sévère et étendue à l’ensemble du cordon médullaire cervicothoracique chez l’homme tandis que l’atteinte prédominait au niveau cervical chez la jeune femme. Les anomalies hématologiques étaient les plus marquées chez le patient : anémie avec hémoglobine à 107g/L [norme 130 à 170], leucopénie à 1,75G/L [norme 4 à 10] et thrombopénie à 129G/L [norme 150 à 450]. Enfin, l’avis addictologique retrouvait pour chacun une consommation de bonbonnes de N2O : début des consommations avec les cartouches il y a 2 ans avant augmentation progressive pour culminer à 6 bonbonnes par jour depuis 3 semaines chez l’homme et 1 à 2 bonbonnes par jour (et ponctuellement davantage) depuis 3 mois chez la jeune femme.
Conclusion |
Outre l’hypovitaminose B12, l’accumulation d’homocystéine au niveau sanguin – reflet d’une conversion en méthionine anormale – conforte l’hypothèse d’une carence en vitamine B12 fonctionnelle dont l’ion cobalt est oxydé de façon irréversible par le N2O. L’usage détourné de petites cartouches à siphon n’est pas nouveau, mais l’utilisation désormais de bonbonnes de 580g (chacune équivalant à environ 70 cartouches) doit alerter. Effets ressentis brefs et probable réputation d’innocuité peuvent amener à une répétition des prises voire une perte de contrôle de la consommation, probablement facilitées par ces nouveaux méga-conditionnements. Leur accès simple et sans restriction mérite d’être reconsidéré, tout comme le statut du N2O non médical. Enfin, une information du public sur les risques sanitaires encourus et une sensibilisation des professionnels de santé au repérage de ces situations est nécessaire afin d’optimiser prévention et prise en soin précoce des patients.
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Vol 33 - N° 3S
P. S32 - Settembre 2021 Ritorno al numeroBenvenuto su EM|consulte, il riferimento dei professionisti della salute.
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